Un voyage à Portsmouth #1 : la Bretagne en Angleterre

Lors d’un précédent carnet de bord, j’avais écrit qu’il était peu probable que je renavigue à bord de mon cher Bretagne prochainement. Cependant, mon navire préféré en service sur la Manche a très vite commencé à me manquer. Par conséquent, notre responsable de la chaînne YouTube et moi-même ont souhaité re-naviguer à bord vers Portsmouth (ce fut ma huitième traversée en son bord), afin de vous en proposer un nouveau reportage. De surcroît, ce fut pour nous l’occasion de passer quelques jours à Portsmouth, auxquels nous dédierons un reportage ultérieur.

 

Carnet de bord et photographies par Antoine.

Excités par l’idée de naviguer une nouvelle fois à bord de Bretagne, nous nous levâmes tôt ce matin-là, afin d’attraper un bus en direction du terminal ferry de Saint-Malo. Cependant, dans la mesure où il n’y a plus réellement de service de bus desservant le terminal ferry du Naye (exceptée une navette irrégulière), nous dûmes aller au terminal à pied depuis Saint-Servan, toujours aussi enthousiastes à l’idée d’embarquer à bord de ce vénérable ferry, que nous voyons déjà au loin. Heureusement, cette marche est assez courte (un petit quart d’heure) et les trottoirs sont corrects.

Une fois arrivée, nous récupérâmes notre carte d’embarquement et attendirent dans le terminal, construit en 1976 pour accueillir 1976 et qui actuellement en cours de rénovation. Une fois les services de douane passés, nous prîmes un bus qui nous conduit à la coupée, que nous franchîmes pour arriver dans le hall principal de Bretagne, situé au pont 6. Depuis ma précédente traversée à bord, rien n’avait changé, et les superbes espaces intérieurs sont toujours en très bon état. Nous y reviendrons.

Après avoir laissés nos bagages dans notre cabine, je me mis à faire un tour du navire. Je commença par aller jeter un coup d’œil aux ponts garage. Il n’y avait pas beaucoup de voitures à bord (bien que le point 5 était rempli), mais il y avait beaucoup de poids-lourds. En réalité, il y en avait bien plus que ce que j’aurais pensé. Par ailleurs, le pont garage présente une trappe donnant accès aux espaces de stockage, situés au pont 2. Ces espaces sont accessibles par un ascenseur à containers, représenté ci-dessous.

Par la suite, mon collègue et moi-même nous rendîmes sur le pont extérieur avant. Notre intention était d’y filmer le départ, dans la mesure où cet endroit n’est ouvert que pour les départs et les arrivées. Cependant, ce plan fut rapidement abandonné lorsque nous fûmes invités à assister au départ depuis un endroit spécial : la passerelle. Nous démontâmes immédiatement nos caméras, afin d'arriver au pont 10 juste pour le départ. Nous y fûmes accueillis par le commandant Le Josne, que j’avais déjà rencontré dans une traversée précédente, et qui était alors en train de préparer ce vénérable navire pour son appareillage.

Une fois l’équipe de nettoyage partie et la coupée retirée, le commandant informa la capitainerie que Bretagne était sur le point de partir dans les minutes suivantes, et qu’il empruntera le chenal des Petits Pointus. Il demanda alors que les amarres soient larguées, et appareilla en réglant délicatement les propulseurs d’étrave pour déplacer Bretagne latéralement, tout en modifiant les réglages des hélices. Pour se faire, le commandant se place dans les parties latérales de la passerelle, utilisant les postes de commande annexes qui y sont installés. Ces parties latérales de la passerelle permettent aux officiers de disposer d’une vue claire sur les côtés et la poupe du navire lorsque le navire manœuvre.

Une fois que Bretagne ait dépassé le Môle des Noirs, le commandant quitta les parties latérales de la passerelle pour en retrouver le centre. Il demanda alors au timonier de prendre la barre. Régulièrement, le commandant lui donnait des instructions d'azimut ou d'orientation de la barre à obtenir, d’une voix prouvant qu’il connaît son navire et sa route par cœur. Bretagne longea toute la côte de Saint-Malo, où les conditions météorologiques étaient assez brumeuses comme il nous le fit remarquer.

Lorsque Bretagne eut quitté le chenal, le commandant laissa à ses officiers la responsabilité d’assurer la route vers Portsmouth, afin de pouvoir se reposer et remplir diverses tâches administratives. Il nous raccompagna vers les espaces passagers, après nous avoir invité à revenir pour l’arrivée.

Nous décidâmes alors de nous diriger vers les ponts extérieurs, afin de pouvoir prendre quelques photos du paysage. Comme le commandant nous l’avait fait remarquer, le temps était brumeux et nous ne voyons pas très loin à l’horizon. Cependant, nous avons pu tout au long de la traversée distinguer les diverses côtes que nous longions, dans la mesure où le commandant avait choisi de passer par l’est de Jersey, à travers les Minquiers. De fait, nous vîmes Jersey, et plus tard Alderney du côté bâbord du navire, avec la péninsule du Cotentin sur tribord. Le navire roulait un tout petit peu, mais ce mouvement était plus que maîtrisé et confortable.

Comme l’heure de manger approchait, nous décidâmes de faire un tour de l’offre de restauration proposée à bord, à savoir le restaurant self-service et le restaurant à la carte. Le restaurant self-service, La Baule, est situé à l’avant du pont 07, avec une vue dégagée sur l'horizon. C’est un endroit sympathique pour manger, avec de belles vues. Il fut largement rénové durant l’hiver 2008-2009, en faisant l'une des parties les plus modernes du navire, dont nous apprécions beaucoup la décoration. Le restaurant self-service sert des plats traditionnels français, toujours parfaitement préparés par les équipes de Brittany Ferries. Alors que nous visitions cette cafétéria, nous entendîmes soudainement un serveur signaler que des dauphins étaient du côté tribord de Bretagne. Cependant, nous arrivâmes trop tard pour être capables de les voir, dans la mesure où ils avaient disparu. Ce fut assez frustrant, dans la mesure où il est très rare de voir des dauphins sur cette ligne selon ce serveur. C’est cependant beaucoup plus fréquent sur les lignes espagnols.

Cependant, nous préférâmes nous restaurer au restaurant à la carte du Bretagne, nommé Les Abers. En effet, ce restaurant offre un buffet proposant de nombreux plats raffinés, allant des légumes et des salades de pâtes au saumon et aux écrevisses, tous meilleurs les uns que les autres. Ce buffet est toujours parfaitement dressé à bord des navires de Brittany Ferries, et tout particulièrement à bord de Bretagne. Le menu buffet permet aux clients de prendre des portions de chaque plat qu’ils souhaitent goûter. En sus des buffets dédiés au plat principal, d'autres sont dédiés aux fromages et aux desserts, proposant là-encore une large sélection de tartes et de gâteaux, tous plus délicieux les uns que les autres. À bord des navires de Brittany Ferries, notre plaisir a toujours été de manger au buffet. En réalité, il est impossible de dénier que les navires de Brittany Ferries sont les meilleurs restaurants flottants de la mer du Manche et de la mer du Nord.

Après avoir déjeuné, nous visitâmes les autres ponts du navire. La ligne Saint-Malo – Portsmouth est assez longue, dans la mesure où Bretagne met 9 heures pour traverser la Manche, laissant aux passagers beaucoup de temps pour pouvoir se relaxer et commencer (ou malheureusement terminer) leurs vacances par naviguer plutôt que par rouler, ce qui est au moins deux fois plus fatiguant. Pour ce faire, Bretagne propose un très large choix de divertissement, incluant des boutique, cinémas et des espaces dédiés à la lecture et même aux jeux de société. Le principal endroit de divertissement est le bar le Gwenn Ha Du, situé à l’arrière du pont 08, avec une large vue vers la poupe du navire. Le bar propose durant l’intégralité de la traversée de l’animation, avec en fonction du programme des chanteurs, des pièces de théâtre, voire même un magicien sur certaines traversées. Cette fois, c’était des chanteurs qui occupaient la scène. De surcroît, il y a de nombreuses tables et sièges qui permettent aux passagers de lire avec une vue sur l’horizon et une boisson. Il est également possible de jouer aux cartes ou à des jeux de société.

Au milieu du pont 08 se trouve un bar de taille plus modeste, nommé la Gerbe de Locronan, qui propose des collations et quelques boissons durant l’été – avec seulement 400 passagers à bord, ce bar était fermé durant notre traversée. Sur le côté bâbord du pont, se trouve des tables et des sièges, plus tranquilles que ceux du bar tout en offrant de larges vues et la télévision. Il y est également possible d’utiliser le WiFi gratuit, qui est assez rapide pour une connexion satellite. En avant du comptoir de la Gerbe de Locronan, se situe également une grande table, qui permet aux passagers de déguster leurs snacks… ou de jouer au Monopoly.

Les salons de siège sont situés sur le flanc tribord du pont 8. Il s’agit en réalité d’un grand espace ouvert, malgré la présence de quelques petites cloisons. Il s’agit également de l’un des espaces les plus calmes du navire, permettant aux occupants de ces sièges de se reposer. De surcroît, Bretagne propose également un plus petit salon au pont 9, dédié aux sièges inclinables.

Ces sièges sont très confortables, ayant déjà été amené à y dormir par deux fois, bien que ceux situés le long des sabords et des buses d’air conditionné sont assez frais et bruyants. Toutefois, ces deux nuits feront toujours partie de mes meilleurs souvenirs de traversées ; peut-être parce que j’aime réellement beaucoup le Bretagne ?

Ces parties du navire ont été très largement rénovées durant la rénovation de l’Hiver 2008-2009. Dés lors, la décoration y diffère largement de celle du reste du navire, avec le vert-jaune comme thème principal.

 

À côté du restaurant les Abers se trouve un splendide salon de thé avec un piano, le Yacht Club, qui était également fermé sur cette traversée peu fréquentée. Pour accéder à ces deux endroits, les passagers doivent traverser un long couloir rouge qui passe sur le côté tribord du navire. Ce couloir est décoré de sculptures réalises en 1988-89 par l’artiste écossais Alexander Goudie. Bien que l’air conditionné y soit un peu bruyant, ce couloir est un superbe endroit pour apprécier la traversée.

À côté de ce couloir est implanté la boutique principale, vendant habits, alcools et tabac. L’une des principales particularités de Bretagne est qu’il dispose de plusieurs petites boutiques, chacune spécialisée dans une gamme de produits, alors que dans la plupart des navires plus modernes il n’y a qu’une unique boutique qui vend l’ensemble de ces produits. L’entrée de la boutique principale se fait au niveau de l’étage du hall principal. Au même endroit est situé La Vitrine, dédiée aux accessoires de mode. De cet endroit, il est possible de descendre vers le bureau d’information en utilisant les escaliers principaux. Ces escaliers sont décorés par une large fresque, représentant des scènes bretonnes traditionnelles, en très bon état malgré leurs 28 ans. Au pont 6, juste au bas de ces escaliers, se trouve le hall principal. Il donne accès à deux boutiques supplémentaires : le Kiosque et la boutique des parfums. En sus, les passagers piétons embarquent par les deux portes situées sur les deux côtés de ce pont qui est celui du pont du bureau de l’information. Le hall est décoré par de splendides sculptures, représentant elles aussi des scènes traditionnelle de la vie bretonne. Cependant, le hall est un petit peu sombre dans la mesure où il n’y a aucun sabord, alors même que ces sculptures murales constituent le plus belle élément de décoration de Bretagne.

Le hall donne également accès aux principaux escaliers et ascenseurs, menant vers tous les ponts du navire. De plus, c’est également de ce pont que partent les couloirs desservant les cabines. Ces couloirs, en fonction du pont auxquels ils sont situés, sont rouge, émeraude, ou bleu. Tous sont, tout comme le reste des aménagements du navire, en très bon état pour leur âge. De surcroît, ils continuent de paraître assez modernes, bien que ceux plus sobres de Pont-Aven paraissent encore plus modernes.

 

De plus, durant la rénovation de 2008-2009 de Bretagne, quelques cabines furent ajoutées aux ponts 1 et 2. Ces couloirs ont adopté le bleu comme thème de décoration. Ils sont assez surprenamment calmes alors que les moteurs sont situés au même niveau, alors que dans d’autres navires du même âge, ils sont beaucoup plus bruyants.

Enfin, Bretagne propose de nombreuses machines de jeu d’argent et de jeux vidéos, situées dans le Games Planet du pont 9, et dans le couloir menant au bar le Gwenn Ha Du.

Bretagne passa l’ensemble de la traversée à 20 nœuds environ, lui permettant d’arriver en avance au niveau de l’île de Wright. De fait, il ralentit alors qu’il commença à la longer. Une fois l’île passée, nous retournâmes en passerelle pour assister à l’arrivée. La nuit était bien tombée lorsque nous y sommes arrivés, et les rideaux séparant la partie de la passerelle où est située la barre du reste de l’endroit avaient été tirés. Cela permet d’assombrir la passerelle, et donc de donner une meilleure vue à l’équipage.

Chaque source de lumière était éteinte (incluant les écrans d’ordinateur), lorsqu’ils n’étaient pas cachés. La seule lumière allumée était une lumière rouge située à l’entrée (signifiant que le navire est en mode approche d'un port), ainsi que d’autres situés au dessus de l’espace de commande, afin de fournir un peu de lumière aux officiers commandant le navire.

 

Sous la surveillance continue du commandant, la tâche d’approcher du port de Portsmouth était confiée à un lieutenant, qui était en réalité une lieutenante, ce qui malheureusement assez rare, bien qu’il y ait désormais une femme commandante chez Brittany Ferries.

À l’horizon, nous étions incapable de distinguer les contours du moindre bâtiment ou navire, excepté le spinnaker. L'horizon était rempli de lumières rouges, vertes et blanches (celles des villes). Cela ne perturbait pas un instant la lieutenante, donnant assurément ses instructions à un matelot qui était chargé de la barre. Quelques instants plus tard, le second-capitaine arriva dans la passerelle. Ce dernier s’étant vu donner fraîchement la permission de commander des navires dans le port de Portsmouth sous sa seule responsabilité, il s’apprêtait à diriger l’arrivée dans Portsmouth. Cette qualification peut être confiée à n’importe quel officier à Portsmouth, alors que les examens associés sont réservés aux commandants à Saint-Malo.

Une Bretagne ayant suffisamment longé le Seafront, le second capitaine informa le matelot qu’il allait prendre en charge la barre, depuis les panneaux latéraux situés sur les côtés de la passerelle. Assisté par l’élève-officier, il commença à manipuler les commandes d'orientation de pâles et des propulseurs d'étrave, tout en surveillant les autres navires croisant dans le chenal. À cet instant, le commandant continuait de superviser l’arrivée depuis le milieu de la passerelle, alors que les autres officiers étaient partis vers les ponts d’amarrage pour superviser l’amarrage.

 

Une fois suffisamment proches du terminal ferry, le second capitaine alluma les propulseurs d’étrave, prêt à amarrer le navire précisément sur son quai. Sur le quai, sont dessinées des marques que les officiers doivent aligner avec la passerelle de leur navire afin de s’assurer que leur étrave est à la bonne distance de la rampe du terminal. En effet, cette distance est impossible à évaluer depuis la passerelle, en raison d’un angle mort de 43m à partir de l’extrémité du bulbe d’étrave. De surcroît, un officier situé dans les ponts d’amarrage donnait par taltie-walkie une estimation de la distance restante (50, 20, 10, 0m) avant que Bretagne n’ait à s’arrêter.

Une fois Bretagne situé précisément à la place où il devrait être, le second capitaine ordonna à l’équipage d’amarrer le navire, puis demanda au commandant s’il pouvait éteindre les moteurs… ce qu’il avait déjà fait quelques secondes auparavant. Cela témoigne d'une parfaitement coordination entre des Hommes partageant près de la moitié de leur temps ensemble, permettant une grande efficacité dans la commande du navire. Dans le même temps, un officier appela la passerelle par taltie walkie pour féliciter le second-capitaine pour son approche parfaite.

 

Dans la mesure où Bretagne était désormais amarré, les lumières furent rallumées dans la passerelle, donnant une meilleure vue de ses instruments – heureusement, les officiers savent parfaitement les retrouver dans la pénombre.

Il était cependant temps pour nous de débarquer avec les autres passagers piétons, qui durent attendre 15 minutes dans le hall principal avant que la coupée ne soit mise en place, dans la mesure où Brittany Ferries demande à ses clients de libérer leurs cabines longtemps avant l’arrivée, quand d’autres compagnies tel que DFDS ne le demandent pas, ce qui est plus confortable pour les passagers.

 

Cette nouvelle traversée à bord de l'un des meilleurs navires en service sur la Manche fut une nouvelle fois une traversée exceptionnelle à bord d’un navire tout aussi exceptionnel, qui mérite réellement d’être l’un des préférés de la flotte nonobstant son âge – Bretagne fêtera son 28ème anniversaire cette année. Malgré cela, ses espaces passagers désormais quelque peu âgés sont encore en très bon état, et restent très confortables. Sa petite taille (Bretagne est le plus petit navire de la flotte en termes de taille, mais pas en capacité passager) en fait un navire très convivial, avec un personnel toujours dévoué et très sympathique avec sa clientèle. Bretagne sera toujours l’un de mes trois navires préférés.

 

Nous souhaiterions remercier sincèrement le Commandant Le Josne, ses officiers et l’équipage du Bretagne pour leur accueil, et pour cette traversée fort plaisante à bord. Nous espérons avoir l'occasion de renaviguer avec eux prochainement, et leur souhaitons une bonne continuation. Nous avons également une petite pensée pour Bretagne, qui devait se rendre dans les jours suivant en cale sèche afin d'être entretenu... lui permettant de naviguer encore de très longues années.

 

(Ce carnet de bord est le premier d’une série de deux reportages dédiés à notre voyage à Portsmouth).